Evolution et Revolution (1891) by Elisée Reclus

Evolution et Revolution (1891) by Elisée Reclus

Auteur:Elisée Reclus [Reclus, Elisée]
La langue: eng
Format: epub
Éditeur: BiblioLib
Publié: 2012-02-16T21:52:23+00:00


* * *

VI.

De bonnes âmes espèrent que tout s’arrangera quand même, et que, en un jour de révolution pacifique, nous verrons les défenseurs du privilège céder de bonne grâce à la poussée d’en bas.

Certes, nous avons confiance qu’ils céderont un jour, mais alors le sentiment qui les guidera ne sera certainement point d’origine spontanée : l’appréhension de l’avenir et surtout la vue de «faits accomplis» portant le caractère de l’irrévocable, leur imposeront un changement de voie ; ils se modifieront sans doute, mais quand il y aura pour eux impossibilité absolue de continuer les errements suivis. Ces temps sont encore éloignés. n est dans la nature même des choses que tout organisme fonctionne dans le sens de son mouvement normal : il peut s’arrêter, se briser, mais non fonctionner à rebours. Toute autorité cherche à s’agrandir aux dépens d’un plus grand nombre de sujets ; toute monarchie tend forcément à devenir monarchie universelle. Pour un Charles Quint, qui, réfugié dans un couvent, assiste de loin à la tragi-comédie des peuples, combien d’autres souverains dont l’ambition de commander ne sera jamais satisfaite et qui, sauf la gloire et le génie, sont autant d’Alexandres, de Césars, et d’Attilas ? De même, les financiers qui, las de gagner, donnent tout leur avoir à une belle cause, sont des êtres relativement rares ; même ceux qui auraient la sagesse de modérer leurs v’ux ne peuvent pas s’arrêter à cette fantaisie : le milieu dans lequel ils se trouvent continue de travailler pour eux ; les capitaux ne cessent de se reproduire en revenus à intérêts composés. Dès qu’un homme est nanti d’une autorité quelconque, sacerdotale, militaire, administrative ou financière, sa tendance naturelle est d’en user, et sans contrôle ; il n’est guère de geôlier qui ne tourne sa clef dans la serrure avec un sentiment glorieux de sa toute puissance, de garde champêtre qui ne surveille la propriété des maîtres avec des regards de haine contre le maraudeur ; d’huissier qui n’éprouve un souverain mépris pour le pauvre diable auquel il fait sommation.

Et si les individus isolés sont déjà énamourés de la «part de royauté» qu’on a eu l’imprudence de leur départir, combien plus encore les corps constitués ayant des traditions de pouvoir héréditaire et un point d’honneur collectif ! On comprend qu’un individu, soumis à une influence particulière, puisse être accessible à la raison ou à la bonté, et que, touché d’une pitié soudaine, il abdique sa puissance ou rende sa fortune, heureux de retrouver la paix et d’être accueilli comme un frère par ceux qu’il opprimait jadis à son insu ou inconsciemment ; mais comment attendre acte pareil de toute une caste d’hommes liés les uns aux autres par une chaîne d’intérêts, par les illusions et les conventions professionnelles, par les amitiés et les complicités, même par les crimes ? Et quand les serres de la hiérarchie et l’appeau de l’avancement tiennent l’ensemble du corps dirigeant en une masse compacte, quel espoir a-t-on de le voir s’améliorer tout à coup, quel rayon



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